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Une autre diaspora irlandaise:
Des Irlandais juifs en Irlande et à l'étranger

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Ronit Lentin

Introduction : Un bref moment dans un passé collectif

Nous sommes en 1884. Kalman, âgé de quatorze ans arrive à Cobh, seul, dans un bateau en provenance de Hambourg. Se dérobant au recrutement forcé dans l'armée du Tsar, il fait partie d'un groupe de Juifs lithuaniens venant d'un shtetl - Akhmian - en route pour l'Amérique. On les force à débarquer dans le sud de l'Irlande, en leur faisant croire que c'est l'Amérique. Bien que ces juifs aient été à la fois demandeurs d'asile et réfugiés économiques, aucun fonctionnaire ne contrôle leurs passeports, et aucune procédure de demande d'asile n' est engagée afin d'organiser leur intégration. La plupart ne sont restés en Irlande que pour un court séjour avant de poursuivre leur voyage jusqu'aux Etats-Unis ou jusqu'en Afrique du Sud. Environ deux mille sont restés.

Nous savons peu des débuts de Kalman en Irlande. Il est fort probable qu'il ait commencé à travailler en tant que colporteur, vendant aux ménagères irlandaises ce qu'il pouvait, des ustensiles de cuisine aux images saintes. Il faisait partie de ces juifs que le Frère John Creagh traitait de "sangsues" et de "vipères en notre sein" dans des sermons qui incitèrent ses fidèles Rédempteurs à boycotter les juifs de Limerick. Ce boycott fut appelé le "pogrom de Limerick".

Un de ses frères le convainquit de le rejoindre au Texas ; la tradition familiale raconte qu'il habitait "en pleine cambrousse" ( qui n'était autre que Phoenix, Arizona ) et que son frère donna à Kalman dès son arrivée, un pistolet à cacher sous son oreiller. Kalman n'aimant ni dormir avec un pistolet sous l'oreiller, ni le fait qu'il n'y avait pas de synagogue à proximité, rentra à Limerick pour finalement prospérer comme marchand d'écharpes et faire commerce, entre autres, avec les "Travellers"1.

Les Lentin forment une famille d'émigrants juifs irlandais typique; l'un seulement des petits enfants de Kalman est resté en Irlande. Les autres petits-enfants et arrière petits-enfants ont vécu aux Etats-Unis, en Grande Bretagne, en Afrique du Sud, en Australie et en Israël; certains d'entre eux s'expriment dans cet article.

L'histoire de la diaspora juive irlandaise est un croisement de récits diasporiques. Les Juifs irlandais font non seulement partie de la diaspora juive, entretenant de ce fait des liens affectifs avec plusieurs patries mythiques, mais ils appartiennent également à la diaspora irlandaise, entretenant par là même des liens avec une Irlande mythique dans laquelle ils ont séjourné durant une période brève de leur passé migrant collectif.

Michael Waltzer place l'exil-galout au centre de la pensée juive de ces deux mille cinq cents dernières années. Pendant cette longue période d'exil - lorsqu'un juif évoque une chose qui a duré très longtemps, il dit que "c'est aussi long que l'exil" - les Juifs ont laissé à d'autres le soin de s'occuper de l'administration tandis qu'ils géraient les questions "domestiques" des problèmes intra-communautaires, d'où l'accusation de "double loyauté" que l' on impute aux Juifs de la Diaspora. Gilman fait une distinction entre la dispersion volontaire des juifs ("Galout" ou "Golah") et l'exil involontaire ("Diaspora") : Les deux modèles existent de manière simultanée dans l'histoire des juifs, d'une part avec le concept de Juifs puissants et établis, d'autre part avec celui de Juifs faibles et déracinés (...)la vie d'une même personne pouvant être liée, en théorie, à ces deux modèles selon les époques et les contextes envisagés." L'exil caractérise la condition juive, et ce malgré l'existence d'un état juif depuis 52 ans; l'élaboration de théories sur la diaspora, y compris la présente, s'appuient sur l'expérience juive. De manière plus précise, lorsque l'on parle de diaspora juive en Irlande, on doit se référer à une diaspora juive au sein de l'Irlande mais également à une diaspora juive irlandaise en-dehors de l'Irlande.

Ma propre vie ( typiquement juive ) est l'expression même de l'exil : Ma famille est originaire du nord de la Roumanie, je suis née en Palestine sous mandat britannique et fus élevée en Israël; après avoir épousé le petit-fils de Kalman, j'ai décidé d'émigrer en Irlande où je consacre la plupart de mon temps à travailler sur des questions de racisme et de migration.

Cet article commence par une brève description de la diaspora juive irlandaise sur le sol irlandais pour se poursuivre par la recherche en cours sur la diaspora juive irlandaise en dehors de l'Irlande. De nos jours, les Juifs d'Europe sont divisés entre l'idée d'une "diaspora qui disparait" et le concept d'un nouvel espace juif dans une Europe en pleine mutation. Les modèles de la migration culturelle judéo-irlandaise démontrent la position toujours centrale de l'exil dans le mode de vie juif contemporain; le nouveau site internet juif irlandais qui érige une "patrie virtuelle en-dehors de la patrie" en définissant à nouveau et sans cesse les frontières instables entre la diaspora et la "patrie" en est bien la démonstration..

Les Irlandais juifs de l'intérieur

Bien que le racisme en Irlande au XXIme siècle soit principalement un racisme envers les "Travellers", les noirs et les réfugiés, j'avancerai l'hypothèse que les Juifs représentent l'archétype de l' "autre" au sein d'une Irlande catholique, cette altérité devant être perçue comme l'une des caractéristiques du racisme irlandais.

Néanmoins, la conséquence la plus grave de l'antisémitisme irlandais est le déclin continu du nombre de Juifs irlandais.
L'augmentation moyenne annuelle du nombre de Juifs en Irlande entre 1881 et 1911, grande période d'immigration juive en Irlande, était de 8%. La communauté a poursuivi sa croissance jusqu'en 1946, bien que seulement 60 demandeurs d'asile juifs aient été acceptés sur le territoire irlandais entre 1933 et 1946. Ensuite, le déclin a été constant puisque depuis 1946, la communauté juive irlandaise a diminué de plus de 70%, allant de 3900 membres en 1946 à environ 1200 maintenant. Alors que l'Irlande voit de nos jours une augmentation manifeste de l'immigration, l'émigration de jeunes juifs irlandais se poursuit malgré la vague de prospérité économique actuelle. 1999 marqua un moment crucial pour les Juifs d'Irlande car la synagogue orthodoxe d'Adelaide road à Dublin, construite 107 ans auparavant et fermée par manque d'un nombre suffisant de fidèles, fut démolie par les propriétaires d'alors pour laisser place à un immeuble de résidence chic, "symphony house", la façade de la synagogue ayant été préservée grâce aux lois municipales en vigueur.

Les Juifs irlandais à l'extérieur : entre géographie et généalogie

Paul Gilroy soutient l'idée que la diaspora est un réseau relationnel produit par une dispersion forcée à laquelle on n'a obtempéré qu' à contrecœur. Dans quelle mesure les exilés juifs-irlandais se rattachent-ils à l'histoire de leur installation en Irlande, due aux pogroms et à la nécessité de fuir un recrutement militaire forcé ? Dans le sondage par courrier électronique que j'ai effectué auprès des membres du GIJ irlandais- groupe internet juif-, j'ai demandé aux gens de définir ce qu'ils entendent par "diaspora" et "patrie" par rapport à la Lituanie (d'où la majorité de leurs ancêtres est native), à l'Irlande (où leurs ancêtres se sont installés brièvement) à Israël (dont on peut prétendre qu'elle représente la patrie nationale et conceptuelle des Juifs) ainsi qu'à leurs lieux de résidences actuels.

Si l'on suit la conception de Gilroy d'un "Black Atlantic" considéré comme un hybride, participant de la culture "mère" tout en étant bien sûr mis à l'écart, il serait alors possible de dire que malgré l'aspect "intrinsèque" à la condition juive de l'exil, les communautés juives de la Diaspora représentent un composé de diverses cultures issu du "contraste entre les nations établies dans un lieu géographique précis et les divers parcours migratoires se situant dans des écologies d'appartenance multiples qui sont celles que l'on retrouve dans les antagonismes entre la géographie et la généalogie, la terre et la mer....un contre-pouvoir de souveraineté territoriale ".
Cette localisation à plusieurs niveaux pourrait être responsable de la confusion qui plane sur les récits concernant la diaspora tels qu'ils sont exprimés par les participants. Comme l'exprime Irène Kyffin : "A quel pays appartené-je ? Ai-je une place quelque part ? Suis-je une Juive errante ? Où dois-je placer ma loyauté ?"
Le premier lieu auquel les sondés se rattachent est la Lituanie malgré le flou qui entoure cette évocation; peu d'entre eux ont mentionné le passé lithuanien traumatique des Juifs Irlandais:
"tout ce que mon père sait est que son grand-père était le maire de Pluge, minable petite ville en Lituanie. Il a grandi en Afrique du Sud, la considère comme son pays et personne, dans la famille, n'a jamais plus pensé à la Lituanie."
Ron Robin, Israël.

"Les circonstances qui ont accompagné le départ de mes grands-parents de Lituanie furent telles que tous les liens ont été coupés de manière douloureuse et dramatique. Dans mon imagination, la Lituanie est une terre de pogroms et de shtetls, en aucun cas une patrie." Barbara Lentin, Londres

Ensuite, la plupart des sondés se rattachent, bien que de manière problématique, à leurs lieux actuels de résidence, considérant ceux-ci comme leur "pays" sinon leur "patrie":
"J'ai vécu en Afrique du Sud tout au long de mes 63 ans, il n'y a donc aucun doute dans mon esprit que ma patrie est ici...La pensée des Sud-africains est quelque peu faussée par la situation actuelle dans le pays. Nous vivons des temps qui offrent des similitudes avec l'histoire de l'Irlande. La jeunesse juive quitte le pays. Au sein de presque toutes les familles, l'un ou plusieurs des enfants sont partis." Robert Lentin, Afrique du Sud.

"Nous avons grandi en Afrique du Sud. Oui, les goûts, la vitalité, la terre, le sable et la mer font partie de moi. Patrie? Je ne trouve pas que le terme corresponde." Sandy Hotz,Afrique du Sud.

"Pour ma famille, je crois que la diaspora était partout. Ils n'avaient pas de vraie patrie. Pour moi, maintenant, la diaspora est partout en-dehors d'Israël. Même si j'aime l'Irlande et l'Angleterre où j'ai vécu un certain nombre d'années, je reste consciente du fait que les Irlandais et les Anglais me considèrent comme étant une étrangère et l'ont d'ailleurs toujours fait. Ce thème revient fréquemment dans des conversations du style: "Vous et nous"." Vivienne Rifkin, Israël.

Indépendamment de leur lieu de résidence, que ce soit Israël ou non, quelques personnes considèrent Israël comme étant la vraie patrie des Juifs, ainsi que l'exprime Devorah Fine : J'aurais tendance à penser que quelque soit l'endroit où vivent les Juifs, Ils vivent dans la Diaspora. Cela fait partie de notre exil, que nous venions de Lituanie, d'Australie,
d'Amérique, d'Irlande ou de quelque autre pays." Fay Meltzer n'est pas de cet avis : "Je n'arrive pas à concevoir de pouvoir ressentir la passion qu'éprouvent certains Juifs à l'égard d'Israël. Cette terre et son histoire poussent les gens à se battre et se tuer. Ridicule."

Plusieurs personnes, parmi les sondés, appartiennent à des associations juives irlandaises, telles La Ligue Amicale Israël-Irlande et La Ligue Loyale des Fils Yiddish de l'Eire; cette dernière étant basée à New York. Il est intéressant de constater que contrairement à la tendance juive de commémorer un passé juif qui s'est déroulé ailleurs, particulièrement en Europe de l'Est, les Juifs irlandais à l'étranger, tout comme leurs semblables non-juifs, ont tendance à célébrer les évènements irlandais, ainsi qu'ils le font par exemple pour la Saint- Patrick, partageant des bagels de couleur verte avec d'autres membres de leurs associations juives irlandaises :
"La Ligue Loyale des Fils Yiddish de l'Eire fut fondée par Michael Mann, un ancien Dublinois qui fut un leader travailliste bien connu à New York. Une fois par an, une grande fête était organisée durant laquelle on mangeait des bagels de couleur verte et des boulettes de matzoh vertes dans du bouillon de poulet; ensuite, une reine Esther était élue et couronnée. Nous avons participé plusieurs fois au défilé de la Saint-Patrick.." Theo Garb, New York.

"Approximativement 300 Juifs nés en Irlande vivent en Israël. Le but de La Ligue Amicale Israël-Irlande est de promouvoir la culture irlandaise en Israël. Cette année, nous recevrons la visite de Des Keogh et auparavant nous avons accueilli Niall Toibin, David Norris et Ronnie Drew." Richard Stein, Israël.

Pour la plupart des sondés, le passage en Irlande fut un moment court mais marquant dans leur passé collectif. " J'éprouve des liens très forts envers l'Irlande, non pas en tant que pays ou nation, mais plutôt comme étant le lieu de naissance d'une grande partie de ma famille paternelle. Il est question pour moi d'appartenance et de savoir d'où l'on vient d'un point de vue génétique plutôt que géographique." Barbara Lentin, GB.
Aux yeux de plusieurs sondés, néanmoins, les motifs pour quitter l'Irlande sont manifestes et dus à l'association de facteurs spécifiquement irlandais et juifs :

"Lorsque je considère ma vie ainsi que ce que j'ai accompli, je sais que le mode de vie qui m'attendait en Irlande, être épouse, mère etc...ne m'aurait pas convenu..." Nella Pearse,GB.

"Lorsque je rentre en Irlande, je suis avide de tout ce qui est irlandais, mais reste une étrangère...Pourquoi ai-je quitté l'Irlande ? Tout simplement parce que je pensais qu'il n'y avait rien. Je ressentais de manière très forte le besoin d'expérience.
Les gens quittaient Dublin pour Londres, et j'avais l'impression que cette ville avait beaucoup à offrir...Je suis restée en partie dans l'enclave juive, un pied à l'intérieur, l'autre à l'extérieur dans le monde captivant des Gentils. Il était très difficile de concilier les deux. Je me demande maintenant si je ne devrais pas rentrer à Dublin..." Irene Kyffin,Londres.

"Quitter l'Irlande fut pour moi le moyen d'échapper au mode de vie borné de ma propre famille ainsi que de pallier mon aversion à l'égard du caractère envahissant du catholicisme en Irlande. Je n'ai jamais pensé que l'Irlande était ma patrie. Je ne pense pas que ma famille ait jamais eu l'intention de s'établir en Irlande, mais ce fut plutôt le hasard qui les fit arriver là après leur départ de Russie. D'une certaine manière, on peut donc dire que l'Irlande fut une étape pour certains membres de ma famille puisque la plupart se sont installés par la suite dans d'autres pays." Fay Meltzer,USA.

"La diaspora qui disparaît" versus les "nouveaux espaces juifs" dans une Europe en mutation

La thèse de Gilroy selon laquelle l'identité de la diaspora se concentre sur "une dynamique sociale de souvenir et commémoration caractérisée par un sens aigu des dangers liés à l'oubli du lieu de ses propres origines et à la dispersion" peut s'appliquer aux personnes sondées les plus âgées, mais pas aux jeunes Juifs irlandais. Les récits des émigrants juifs irlandais de la seconde génération, tous âgés de vingt à trente ans, issus de parents nés en Irlande, éduqués dans des écoles juives irlandaises, ayant poursuivi des études à l'université et membres des mouvements de jeunesse juifs, indiquent une motivation différente de celle de leurs aînés, reflet de la tension présente entre le concept de Wasserstein de "diaspora qui disparaît" et l'analyse de Pinto à propos d'un "nouvel espace juif".

Malgré l'optimisme de la communauté juive irlandaise lorsqu'elle évoque "les nombreux jeunes qui entrent dans la communauté, certains avec des enfants en bas âge qui s'inscriront dans notre école juive" (Gross), mes jeunes interlocuteurs soutiennent que la dispersion fut et est toujours programmée dans l'esprit des jeunes Juifs irlandais dès l'enfance et critiquent l'échec de la communauté juive à trouver des solutions au déclin du nombre de ses membres ainsi que des réponses aux besoins de ses jeunes :
"J'ai toujours perçu cela comme faisant partie de la condition du Juif irlandais : A un certain moment, on quitte l'Irlande. C'est forcément lié au fait que la communauté soit si petite. Les gens deviennent plus réalistes et acceptent l' émigration." (Barry)

Mais le fait d'être Juif peut être une excuse pour partir, comme le dit Yael . "Je voulais partir... et il était évident que ce serait facile car les opportunités d'avoir une vie sociale juive à Dublin et de rencontrer un partenaire juif sont très rares."

Mis à part le fait d'être "programmé" à quitter une communauté qui décroît en faveur d'un environnement juif florissant, et des motivations personnelles comme celle de trouver un partenaire juif, l'une des raisons majeures pour partir est la contradiction entre la judéité et le fait d'être irlandais. Les participants à mon enquête expliquent leur altérité par leur incapacité, enfants, à être en accord avec les chants républicains irlandais ou à se sentir humiliés lorsqu'ils devaient quitter l'assemblée tous les matins à l'école:
"On avait l'impression qu'ils nous considéraient comme autres, des gens nous demandaient si notre passeport était israélien. On avait tout le temps l'impression qu'étant juif, il fallait prouver d'une certaine manière son côté irlandais." (Barry)

Alors que le phénomène de "diaspora qui disparaît" assombrit les récits de ces jeunes gens, ceux-ci suggèrent également de nouvelles voies pour les Juifs d'Europe. D'une certaine manière, l'on pourrait considérer le découragement des jeunes émigrants juifs irlandais, face à la direction hiérarchique rigide de la communauté ainsi que face au manque d'investissement dans leur futur en tant que Juif comme faisant partie d'une sorte de drainage de cerveau causant une perte pour la communauté juive irlandaise. Il serait également possible d'envisager leur comportement comme étant symptomatique du futur des Juif en Irlande,
où, malgré l'apparition d'une multiplicité ethnique, il n'y aura bientôt plus de présence juive irlandaise significative.

La diaspora juive en Irlande est le reflet de la diaspora juive irlandaise en Israël en ce sens qu'elle regroupe des gens qui, ainsi que les 1,5 millions de Juifs qui ont émigré d'Europe en Israël depuis 1945, ont abandonné toute implication dans la constitution d'une présence juive au sein de la diaspora européenne. Cette préférence exprimée en faveur d'Israël à l'encontre d'une diaspora dans quelqu'autre endroit que ce soit, est bien illustrée dans les réponses à mon sondage, même parmi ceux qui n'ont pas choisi Israël. Les jeunes émigrants se considèrent cependant comme étant doublement exilés, émigrants irlandais en Israël et israéliens en Irlande. Prenons le cas de Lisa, irlandaise de quatrième génération qui ayant émigré en Israël avant de retourner en Irlande, entre dès lors dans la catégorie des Yordim, les émigrants israéliens. La plupart de ses amis à Dublin sont israéliens et exercent un travail lié à la technologie de l'information; en quittant Israël, ils n'ont pas souscrit à l'assomption sioniste radicale stipulant que seule la vie en Israël est "selon les normes" authentiquement juive.

Les jeunes émigrants juifs irlandais pourraient entrer dans la catégorie définie selon Wickham par les termes d'Irlandais émigrés exerçant une profession libérale, dans le contexte d'une fragmentation de l'identité des états nationaux et de la société par le biais de la globalisation et de la technologie de l'information. Wickham propose d'abandonner la conception traditionnelle de l'émigration irlandaise en faveur d'une sociologie des schémas de migration contemporains des Irlandais diplômés de l'Université. Cependant, Marian qui a émigré aux Etats-Unis à la recherche d'un travail dans la technologie de l'information, est ouverte à l'idée de tenter de s'impliquer plus vis-à-vis de la communauté juive américaine.

Il est également possible de parler d'une diaspora "post-moderne" constituée d'espaces juifs individuels au sein d'une nouvelle Europe. Selon Pinto, il existe au sein de l'Europe en mutation, de nouveaux espaces communautaires volontairement juifs, et ceci au-delà de l'assimilation et de la ghettoïsation : "Les Juifs, même en dose homéopathique, sont à même de créer une forte présence juive dans toute société... Le "electronic fax Jew" ne doit plus se sentir isolé et perdu." Yael, qui a travaillé pour le compte d'institutions européennes dans diverses capitales d'Europe, se considère comme étant "déplacée par choix", ses identités juives et européennes, chacune étant volontaire, existent séparément dans un contexte européen. Elle fait partie d'une communauté juive européenne diasporique hybride post-moderne et globale dont les identités culturelles se forgent actuellement en harmonisant les vieilles traditions aux nouvelles sans qu'il y ait assimilation ou perte absolue du passé.

Conclusion: déconstruction virtuelle du système binaire patrie-diaspora juive irlandaise

Au-delà du concept du "electronic fax Jew", il existe une autre possibilité pour la diaspora juive irlandaise. Stubbs est d'avis, en considérant "Croatie online" comme une "diaspora virtuelle", que "l'existence de sphères publiques diasporiques par le biais de l'ordinateur approfondit notre compréhension de ce qui fut qualifié d'imaginaires transnationaux et post-nationaux, puisque ceux-ci, en tant que champs historiques complexes forgés par les mots, représentent des constructions particulières de l'espace national du point de vue de divers sites globaux qui deviennent en principe un lieu ou une patrie imaginaires unifiés."
Stubbs relie les théories sur la Diaspora ainsi que les caricatures du "nationaliste à longue distance" à ce qu'il nomme une "netnographie" (ethnographie de la toile) pour, citant Rheingold, affirmer que "les communautés virtuelles sont des groupes sociaux qui émergent de la toile lorsque suffisamment de personnes participent à des discussions publiques durant assez longtemps et avec un degré raisonnable de chaleur humaine pour former des réseaux de relations personnelles dans l'espace cybernétique."

Lisa a suggéré la création d'un site internet de la communauté juive irlandaise afin d'étendre celle-ci en attirant de jeunes familles juives exerçant des professions libérales à même de contribuer en nombre mais aussi culturellement et économiquement à cette extension. Jusqu'à ce qu'un tel site internet soit mis en place, l'univers cybernétique juif irlandais est bien vivant, représenté par GIJ Irlande, une liste électronique "dont les adhérents intéressés par tout aspect concernant les Juifs irlandais, histoire, généalogie, famille et amis, viennent du monde entier".

Contrairement à la thèse selon laquelle les communautés virtuelles sont, par nature, trans- ou post-nationales, Stubbs défend l'argument que, s'il n'est pas correct sur le plan analytique de se référer à une "diaspora croate", "Soc/Culture/Croatia" contribue à "privilégier les relations entre la patrie et la diaspora" concrétisant ainsi la nation croate dans l'espace cybernétique. Bien que l'on ne puisse ici dresser une "netnograophie" de GIJ Irlande, il semble néanmoins que, tant qu'il y aura "suffisamment" de personnes pour mener des discussions publiques durant "suffisamment de temps", GIJ Irlande constitue un "espace diasporique en ligne" où les échanges de nouvelles familiales, de vœux pour les fêtes religieuses et d'information générale se combinent pour créer une patrie juive irlandaise loin de chez soi et ce, même si les personnes sondées ne sont pas convaincues que l'Irlande soit leur patrie.

Note de traduction:
"Black Atlantic" fait référence aux processus migratoires des africains vers les Etats-Unis et la Grande-Bretagne .

Traduit par Claire Buchbinder

Ronit Lentin, né à Haifa, Palestine, a grandi en Israël. Depuis 1969, vit en Irelande. Elle est écrivain et sociologue et directrice des Etudes ethniques et raciales au Trinity College à Dublin.

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